Au Cœur de l'Asie du Sud-Est en 21 jours
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Ethnie minoritaire Lu

Parmi les ethnies minoritaires qui peuplent les montagnes du Nord-Ouest du Vietnam, les Lự occupent une place singulière. Installés depuis des siècles dans les vallées de Lai Châu et Điện Biên, ils ont su préserver une identité culturelle riche : maisons sur pilotis, costumes traditionnels, croyances animistes et artisanat raffiné. Découvrir le peuple Lự, c’est entrer dans un univers où la nature, la spiritualité et les traditions se mêlent avec harmonie.

Nom autonyme : LừThay ou Thay Lừ
Autres appellations : Phù Lừ, Nhuồn, Duồn
Groupes locaux : au Vietnam, on ne trouve que le groupe des Lự Noirs (Lừ Ðăm), établi principalement dans les communes de Bản Hon, Phong Thổ et Sìn Hồ (province de Lai Châu). Ils se distinguent des Lự Blancs (Lừ Khao), présents dans la région du Xishuangbanna (Sipsongpanna, Chine).

Démographie

Selon le recensement des 53 ethnies minoritaires du Vietnam du 1er avril 2019, la population Lự comptait 6 757 personnes.

Langue

La langue des Lự appartient au groupe taï-tày de la famille taï-kadaï, proche des langues thaïes.

Ethnie minoritaire au nord ouest du vietnam People Lu

Origines historiques des Lự

Les Lự sont présents dans la région de Xam Mứn (province de Điện Biên) depuis au moins les XIᵉ – XIIᵉ siècles. Ils y ont construit la citadelle de Xam Mứn (Tam Vạn) et développé la mise en valeur agricole de nombreuses rizières. Cependant, durant les guerres féodales, une partie du peuple Lự fut contrainte de se disperser, certains groupes se réfugiant dans les zones montagneuses de Phong Thổ et Sìn Hồ (province de Lai Châu).

Les recherches scientifiques s’accordent sur l’histoire des Lự au Vietnam. Selon les spécialistes, ils seraient originaires du sud-ouest de la Chine, principalement de la province du Yunnan, et auraient migré vers le Vietnam avant et après le premier millénaire de notre ère. Ils font ainsi partie des plus anciens peuples établis dans le Nord-Ouest, ayant atteint dès cette époque un certain niveau de développement économique et social.

Au cours de leur histoire, les Lự ont entretenu des relations sociales et historiques étroites avec d’autres ethnies, notamment avec les Thaï noirs, dont les seigneurs dominaient les vallées fertiles propices à l’agriculture de montagne. Ils ont également conservé des liens avec les communautés Lự établies en Chine (Yunnan) et au Laos.

Répartition géographique des Lự

Aujourd’hui, les Lự vivent principalement dans les communes de Bản Hon, Bình Lư et Nà Tằm du district de Tam Đường (anciennement rattaché à Phong Thổ) ; dans les communes de Ma Quai et Nậm Tăm du district de Sìn Hồ (province de Lai Châu). On en trouve également une minorité dispersée, vivant aux côtés des Thaï, dans le district de Điện Biên (province de Điện Biên) et dans celui de Than Uyên (province de Lai Châu).

Les Lự résident en communautés villageoises (bản) relativement concentrées et isolées, généralement situées dans les zones de piémont et les petites vallées.

Dans la province de Lai Châu, leur habitat se répartit en 17 villages, appartenant à quatre communes et deux districts. La taille de ces communautés varie :

- le plus petit village, Bãi Trâu (commune de Bản Hon, district de Tam Đường), compte 19 foyers pour un peu plus de 100 habitants,
- tandis que le plus grand, Đông Pao (même commune), regroupe plus de 120 foyers pour environ 600 habitants.

Organisation sociale traditionnelle des Lự

Dans la société traditionnelle, chaque village (bản) était dirigé par un chef appelé Tạo bản (ou trưởng bản), élu par la communauté. Cette fonction revenait à une personne reconnue pour sa probité, son expérience agricole, son sens des responsabilités et son autorité au sein de la communauté, tout en ayant une certaine légitimité auprès de l’administration locale.

Le chef de village était assisté par un à deux adjoints (phó bản). Chaque village possédait également un Conseil des anciens, composé des anciens respectés (già bản) et des chefs de lignées familiales. Ce conseil épaulait l’autorité villageoise dans la gestion communautaire, le maintien de

l’ordre et de la sécurité, ainsi que dans la promotion des activités économiques.
La vie communautaire des Lự reposait sur des règles coutumières non écrites, appelées Lệ bản. Ces normes concernaient divers aspects de la vie collective :

- mariage et cérémonies nuptiales,
- funérailles,
- gestion des terres agricoles,
- préservation des ressources en eau,
- sécurité du village,
- pratiques religieuses et croyances communes.

Tous les membres du village avaient l’obligation de respecter ces règlements, garants de l’équilibre et de la cohésion sociale.

Costumes traditionnels des Lự

Costume féminin

Les femmes Lự portent encore aujourd’hui leur tenue traditionnelle, confectionnée à la main, depuis la culture du coton, le filage et le tissage jusqu’à la broderie minutieuse des motifs décoratifs. L’ensemble féminin comprend :

un foulard (khăn),
une veste (áo),
une jupe (váy),
une ceinture (thắt lưng),
et divers ornements : boucles d’oreilles, colliers, bracelets, chaînes décoratives (xà tích), petites bourses brodées, etc.

Pour embellir leur parure, chaque foulard est orné de chaînettes de perles jaunes terminées par des pompons multicolores. Les jeunes filles célibataires ajoutent, lors des fêtes et cérémonies, une bande métallique argentée et davantage de pompons suspendus à l’arrière du foulard, ce qui accentue l’élégance de leur coiffure.

Lors des grandes occasions (fêtes, mariages, cérémonies), les femmes âgées revêtent une longue tunique noire, fendue seulement à hauteur des hanches – connue en vietnamien sous le nom d’“áo tầm vông” ou “áo cổ Bà Lai” – portée avec un pantalon noir ample. Elles enroulent en outre autour du cou un foulard blanc, dont les pans tombent de part et d’autre de l’épaule. En période de deuil, toutes les femmes d’une famille doivent retirer les perles et pompons colorés de leurs costumes, qu’elles ne remettent qu’après avoir passé un Tết (Nouvel An lunaire).

Dès l’enfance, les filles se font percer les oreilles. Elles portent d’abord de simples bâtonnets, remplacés progressivement par des boucles plus larges. Les boucles d’oreilles traditionnelles (mỏk păc hự) sont constituées d’un cylindre creux en argent, maintenu par des attaches aux deux extrémités.

Costume masculin

Les hommes Lự portaient autrefois une épée à la ceinture, symbole de virilité et d’ornement autant qu’arme de défense. Autrefois, ils arboraient également la barbe longue, pratiquaient le tatouage, le perçage d’oreilles et le noircissement des dents – coutumes aujourd’hui abandonnées.

Valeur esthétique

Le costume féminin des Lự se distingue par sa richesse esthétique, notamment dans l’art de la couleur et la décoration des motifs. Chaque pièce est une œuvre d’art textile, alliant beauté, savoir-faire et identité culturelle.

Gastronomie des Lự

L’alimentation des Lự repose principalement sur les céréales et produits agricoles issus de leur économie traditionnelle : riz, maïs et diverses cultures vivrières. Aujourd’hui encore, leurs habitudes alimentaires et leurs plats traditionnels conservent de nombreux traits originels au sein de la vie familiale et communautaire.

Les principaux ingrédients utilisés sont :

riz gluant et riz ordinaire,
maïs, patates douces, manioc, taro, haricots,
légumes et produits forestiers,
viandes d’élevage (porc, volaille),
ainsi que du poisson et autres ressources aquatiques.
Les plats à base de riz occupent une place essentielle :
le xôi (riz gluant cuit à la vapeur),
le cơm (riz ordinaire) et
le cháo (bouillie de riz).

Le maïs, les tubercules et les haricots jouent un rôle d’aliments complémentaires importants. Les modes de cuisson privilégiés sont simples : cuisson à la vapeur, à l’eau ou à l’étouffée, ce qui reflète une cuisine à la fois sobre et nourrissante, adaptée au mode de vie montagnard.

Mariage

Chez les Lự, le mariage suit la règle dite des alliances croisées : un frère peut épouser la sœur de sa belle-sœur, une coutume exprimée par le proverbe : « dao khâu đồng, hôn nhân trở về lối cũ » (le couteau retourne toujours dans son fourreau, le mariage revient dans sa voie ancienne). Les mariages forcés n’existent pas dans cette société.

Selon la coutume, le mari doit vivre en résidence uxorilocale (chez la famille de l’épouse) pendant trois ans, puis le couple réside ensuite virilocalement (chez la famille du mari) durant deux ans. Après cette période, les époux ont le droit de fonder leur propre foyer dans une maison sur pilotis indépendante.

Le mariage comporte trois étapes principales :

« Ăn giáp tối » – cérémonie d’entrée dans la chambre nuptiale.
« Ăn mới » – banquet et remise des offrandes de la famille du mari à celle de la mariée, comprenant obligatoirement une épée.
« Đón dâu » – accueil solennel de la mariée dans la maison du mari.

Naissance

Lorsqu’un enfant atteint l’âge d’un mois, la famille fait appel à un devin (ông máy), qui réalise une cérémonie de divination pour déterminer son nom. Celui-ci utilise un pinceau taillé dans un arbuste (guột), un morceau de tissu blanc, de l’encre de Chine, un bol de riz et un œuf de poule placé dessus. En jetant des grains de riz sur l’œuf, il interprète le résultat (pair ou impair). Si le présage est favorable, le nom choisi est attribué à l’enfant et inscrit sur le morceau de tissu, remis ensuite aux parents comme acte symbolique de naissance.
Les prénoms traditionnels suivent une règle simple : les filles portent souvent le nom Kẻo (signifiant Ngọc, « jade »), et les garçons Khăm (signifiant Vàng, « or »).

Religion et croyances des Lự

Les Lự conçoivent l’univers comme un monde à trois niveaux :

Mường Phạ (le monde céleste) : la sphère la plus haute, royaume des esprits Then, résidence des ancêtres de chaque lignée (đẳm pang). Ce monde est dirigé par le Grand Then (then luông), maître des then forgeronsthen de la pluiethen de la lumière et then de la justice.
Mường Piêng (le monde terrestre) : celui des hommes, des animaux et des plantes.
Mường Lúm (le monde souterrain) : royaume des êtres minuscules vivant dans les profondeurs de la terre.

Animisme et esprits

La religion traditionnelle des Lự est un polythéisme animiste. Ils croient que chaque être vivant possède une âme qui, après la mort, devient un esprit (phi).

Les bons esprits (ma lành) regroupent les ancêtres et les esprits du village, protecteurs qui assurent la santé, de bonnes récoltes et la prospérité de l’élevage.
Les mauvais esprits (ma ác) sont ceux des personnes mortes de façon tragique, sans sépulture ou sans culte, ainsi que les esprits de la forêt, des rivières ou des torrents. Ils sont réputés malveillants et susceptibles de troubler les vivants.

Culte des ancêtres

Le culte des ancêtres occupe une place centrale dans la vie spirituelle des Lự. Il se pratique dans la maison, dans une pièce appelée “húng”, et donne lieu à des cérémonies annuelles au mois de janvier selon le calendrier Lự (correspondant au mois d’octobre du calendrier lunaire vietnamien).

Habitat traditionnel des Lự

Les Lự ont pour tradition de vivre dans des maisons sur pilotis (hương). Leurs habitations se distinguent par une toiture à deux pans recouverts de chaume, dont les avant-toits avant et arrière descendent très bas, couvrant à la fois la galerie en bois et l’escalier d’accès.
À la différence des maisons des Thaï ou des Laotiens, la maison Lự ne possède qu’une seule porte d’entrée, toujours orientée vers le nord-ouest, ainsi qu’une porte secondaire donnant sur l’aire de séchage.

Rite d’inauguration d’une maison nouvelle chez les Lự

Les Lự observent plusieurs tabous et rituels lors de l’installation dans une maison neuve. Il est notamment interdit de célébrer la cérémonie à midi.
Après avoir soigneusement nettoyé la maison, on invite quatre anciens du village (extérieur au clan familial) à boire du vin autour d’une bassine où sont placées quatre coupes, installée au centre de la maison. Un jeune homme s’approche alors de la porte, s’accroupit et entonne une formule rituelle demandant à « acheter la maison ». Les anciens répondent : « Le maître de maison s’apprête à venir la recevoir ».

Le couple propriétaire se tient prêt au bas de l’escalier :

- l’époux porte un filet de pêche sur l’épaule,
- l’épouse, une palanche avec d’un côté un trépied de cuisine et de l’autre un cuiseur à vapeur pour le riz gluant.

L’homme monte le premier, suivi de sa femme, et tous deux déposent leurs objets dans la maison. Ensuite, deux jeunes filles montent à leur tour en tenant des torches allumées. Une troisième jeune fille, restée au bas de l’escalier, verse de l’eau pour éteindre la première torche, tandis que la seconde, conservée allumée, sert à allumer le feu du foyer. Ce feu sacré doit être maintenu pendant trois jours et trois nuits consécutifs.

Enfin, le maître de maison procède à une offrande aux ancêtres, constituée d’une tête de porc. Le repas rituel se termine par une fête communautaire, où les habitants du village sont conviés à partager nourriture, alcool et chants, accompagnés des mélodies de la flûte double traditionnelle.

Arts populaires des Lự

Le chant Lự (Khắp Lử) constitue une forme d’expression artistique traditionnelle. Dans cette pratique, les jeunes filles chantent en se couvrant le visage d’un voile de tissu rouge, accompagnées par la mélodie d’une flûte double jouée par les garçons.

Autrefois, à la tombée de la nuit, garçons et filles se réunissaient sur une natte de jonc installée dans la cour du village. Là, ils chantaient et jouaient de la flûte avec passion, prolongeant ces veillées musicales et poétiques jusqu’à minuit.

Conclusion

L’ethnie Lự, discrète mais riche de traditions, fait partie intégrante du patrimoine culturel du Nord-Ouest vietnamien. Ses coutumes anciennes, son artisanat raffiné, ses croyances animistes et sa vie communautaire soudée témoignent d’un mode de vie profondément lié à la nature et à l’histoire de la région.

Découvrir le peuple Lự, c’est plonger dans une culture encore préservée, faite de chants, de rituels et de paysages façonnés par des générations. C’est aussi une invitation à mieux comprendre la diversité et la richesse des ethnies minoritaires du Vietnam, dont le quotidien reste empreint d’authenticité.

Avec Tonkin Voyage, spécialiste des voyages sur mesure, vous pouvez vivre des expériences uniques au sein de ces communautés : rencontres, séjours en maisons sur pilotis, partages de repas traditionnels et immersion dans les fêtes locales. Plus qu’un simple voyage, c’est une rencontre humaine qui laisse une empreinte inoubliable.