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L’ethnie minoritaire Thổ : un peuple des montagnes du Nord Vietnam

Parmi les 53 minorités ethniques qui composent la mosaïque culturelle du Vietnam, les Thổ occupent une place singulière. Installés principalement dans les montagnes de l’ouest de la province de Nghệ An, au nord du pays, ils comptent environ 91 000 personnes. Issus de rencontres historiques entre groupes Mường, Việt et populations locales anciennes, les Thổ ont su forger une identité propre, riche de traditions, de croyances et d’un patrimoine oral encore vivant. Leur culture, à la croisée des influences, incarne l’âme des hauts reliefs du Nord Vietnam, entre authenticité et adaptation à la modernité.

Nom auto-désigné : Thổ
Autres appellations : Nhà Làng, Mường, Con Kha, Xá Lá Vàng
Groupes locaux : Kẹo, Mọn, Cuối, Họ, Ðan Lai, Ly Hà, Tày Poọng
Population : environ 91 430 personnes (selon le recensement des 53 minorités ethniques du 1er avril 2019)
Langue : le thổ appartient au groupe Việt-Mường de la famille austroasiatique.

Ethnie minoritaire Tho au nord du Vietnam

Histoire

Le territoire actuel des Thổ se situe à un carrefour marqué par de nombreux mouvements migratoires. Au fil des siècles passés, des groupes Mường venus de l’ouest de la province de Thanh Hóa ont progressivement migré vers le sud. Ils y ont rencontré des communautés Việt venues des districts côtiers de Diễn Châu, Quỳnh Lưu et Thanh Chương, remontant vers l’intérieur des terres. Ces populations se sont peu à peu intégrées aux habitants locaux, probablement d’origine Việt ancienne, pour former au fil du temps une communauté unifiée : l’ethnie Thổ.

Activités de production

La vie économique des Thổ repose principalement sur l’agriculture sur brûlis et les champs de montagne, complétée par la riziculture inondée dans certaines zones. Leur savoir-faire agricole est relativement développé, comme en témoignent la maîtrise du labour avec la charrue traditionnelle appelée « cà nộn » et les techniques de culture intensive.

Les céréales principales cultivées sont le riz, suivi du manioc et du maïs.

Dans certains groupes locaux tels que les Kẹo, Mọn et Cuối, le chanvre joue un rôle important, à la fois dans l’économie et dans la vie quotidienne (vêtements, artisanat).

La pêche constitue également une activité essentielle et largement pratiquée.

La chasse et la cueillette, bien que limitées à certaines régions, contribuent à diversifier les ressources alimentaires et à réduire les difficultés de subsistance.

Alimentation

Autrefois, les Thổ consommaient principalement du riz gluant, mais aujourd’hui, leur alimentation repose surtout sur le riz ordinaire. En période de disette ou de soudure, ils complètent leurs repas avec diverses racines, légumes et fruits sauvages récoltés en forêt.

Lors des fêtes et célébrations traditionnelles, la cuisine prend une dimension rituelle et symbolique. Les Thổ préparent alors plusieurs types de gâteaux traditionnels à base de riz gluant : le bánh chưng (gâteau carré de riz gluant farci, emblème du Tết), le bánh giầy (galette de riz gluant pilé, symbole de pureté et de gratitude), ainsi que le bánh gai (gâteau noir parfumé aux feuilles de gai, farci de haricots et de noix de coco râpée).

Vêtements traditionnels

Les hommes Thổ s’habillent de manière assez proche des Viet : ils portent un pantalon blanc à taille ceinturée, une tunique longue noire (áo dài lương đen) et couvrent leur tête d’un foulard violet en soie.

Les femmes présentent davantage de variations régionales dans leurs tenues :

Dans la région de Lâm La, elles portent une jupe en coton noir, décorée de deux fines broderies colorées courant de la taille à l’ourlet, accompagnée d’une tunique à cinq pans, de couleur brune ou blanche.

Dans le district de Quỳ Hợp, les femmes adoptent souvent les jupes tissées ou échangées auprès des Thaï. Ces jupes, en coton teint à l’indigo, sont ornées de rayures horizontales qui, une fois portées, forment de larges anneaux concentriques autour du corps. La tenue est complétée par une blouse blanche ajustée, à col et poignets bordés, semblable à celle des Viet.

Dans toutes les régions, les femmes portent un foulard carré blanc noué sur la tête, rappelant la coutume des Mường, et utilisent un long voile blanc comme marque de deuil, à la manière des Viet.

Habitat

Les Thổ vivent principalement dans les districts montagneux de l’ouest de la province de Nghệ An. Ils s’installent dans des villages densément peuplés, organisés selon un mode d’habitat regroupé (mật tập), favorisant la solidarité communautaire.

Leur maison traditionnelle est la maison sur pilotis, dont les parois sont faites de nattes de bambou tressé ou de planches de bois. Dans certaines régions, on retrouve également des maisons bâties selon la technique à piliers emboîtés (cột ngoãm).

Aujourd’hui, à l’instar d’autres groupes montagnards, les Thổ connaissent une transition progressive de l’habitat sur pilotis vers des maisons de plain-pied, construites dans le style des Viet voisins. Cette évolution reflète l’ouverture croissante de leur mode de vie et leur intégration au modèle architectural dominant de la région.

Moyens de transport

Les Thổ utilisent principalement deux modes de transport traditionnels :
Pour les objets légers ou de petite taille, ils recourent au portage manuel, au panier ou au bâton de portage, qui permet de transporter les charges équilibrées de part et d’autre.

Pour les objets lourds ou encombrants, ils font appel à la force animale, en particulier celle des buffles et des bœufs, attelés à des chariots entièrement en bois, dont le cadre et les roues sont façonnés artisanalement.

Relations sociales

Autrefois, l’unité administrative de base des Thổ était le village, dirigé par un chef de village (trùm làng). Celui-ci, élu chaque année, avait pour rôle de superviser les corvées collectives, de veiller à la collecte des impôts et de régler les affaires internes à la communauté.

La structure familiale est dominée par la famille nucléaire patriarcale, mais les relations sont marquées par un esprit d’entraide et de solidarité à la fois au sein du foyer et entre voisins.

Bien que les Thổ vivent au contact de nombreux autres groupes ethniques, les mariages interethniques demeurent rares. En revanche, les unions entre les différents sous-groupes Thổ ne connaissent pas de restrictions particulières, reflétant une forte cohésion interne.

Mariage et coutumes nuptiales

Chez les Thổ, certaines pratiques traditionnelles varient selon les régions. Dans les districts de Nghĩa Đàn, Tân Kỳ et Quỳ Hợp, il existait autrefois la coutume du « ngủ mái » (nuits partagées sous le toit commun), permettant aux jeunes hommes et femmes de mieux se connaître avant de fonder une famille. En revanche, cette pratique n’était pas répandue dans les groupes Thổ des régions de Tương Dương et Con Cuông.

Le mariage suit un processus codifié en plusieurs étapes. Lors des noces, la famille du marié devait traditionnellement apporter à la maison de l’épouse une dot composée d’un buffalo, de 100 pièces d’argent blanc, de 30 rouleaux d’étoffe, de six paniers de riz gluant et d’un porc. Dans certaines régions, s’ajoutait encore la coutume de la résidence matrilocale, où le gendre vivait quelque temps dans la famille de son épouse.

Naissance et maternité

Chez les Thổ, la naissance est entourée de rituels protecteurs. Trois jours après l’accouchement, la famille organise une cérémonie d’offrande à la déesse protectrice des accouchements (bà mụ), au cours de laquelle on procède également au choix du prénom de l’enfant.

La mère, quant à elle, observe une période de retrait et de repos d’un mois, durant laquelle elle doit se soumettre à certaines règles strictes. Pendant ce temps, aucune personne étrangère à la famille n’est autorisée à entrer dans la maison, afin de préserver la santé de la mère et du nouveau-né, et de protéger le foyer des influences néfastes.

Funérailles

Chez les Thổ, les cérémonies funéraires sont traditionnellement fastueuses et coûteuses, reflet du respect profond accordé aux défunts. Autrefois, certaines familles pouvaient sacrifier jusqu’à douze buffles pour accompagner les rites. Le corps du défunt était conservé dans la maison pendant plusieurs jours, parfois jusqu’à une semaine, avant l’inhumation.

Le cercueil est fabriqué à partir d’un tronc d’arbre massif évidé, selon une technique similaire à celle utilisée pour creuser les pirogues ou les auges à battre le riz. Lors de l’enterrement, il est toujours placé de manière à orienter les pieds du défunt dans le sens de l’écoulement de l’eau, symbole du cycle de la vie et du retour à la nature.

Après l’inhumation, la famille pratique des rites commémoratifs à intervalles réguliers : au 30ᵉ jour, au 50ᵉ jour et au 100ᵉ jour, afin d’honorer la mémoire du défunt et de l’accompagner spirituellement vers l’au-delà.

Calendrier

Les Thổ se réfèrent traditionnellement au calendrier lunaire (âm lịch), qui rythme leurs activités agricoles, leurs fêtes et leurs rituels communautaires. Les phases de la lune déterminent ainsi le choix des jours propices aux semailles, aux mariages, aux funérailles ou encore aux célébrations collectives.

Croyances et culte

Les Thổ vénèrent une multitude de divinités et d’esprits, en particulier ceux liés à la protection contre les ennemis et à la mise en valeur des terres. Leur univers spirituel est étroitement associé aux forces de la nature et à l’histoire de la communauté.

Au sein de la famille, le culte des ancêtres occupe une place centrale. Par ailleurs, on célèbre régulièrement des rituels spécifiques :
des offrandes à la déesse protectrice des naissances (bà mụ), notamment lorsque les enfants tombent malades ;
des cérémonies de renforcement de l’âme (cúng vía) pour les adultes, organisées lors des grandes fêtes, mais aussi en cas de maladie ou de faiblesse, afin de restaurer équilibre et vitalité.

Éducation

Les Thổ ne possèdent pas d’écriture propre. Autrefois, seuls quelques individus maîtrisaient les caractères chinois. Aujourd’hui, c’est la langue vietnamienne qui est enseignée et utilisée couramment, favorisant l’intégration culturelle et sociale.

Vie artistique et traditions orales

Le patrimoine artistique et culturel des Thổ est particulièrement riche. Leur folklore se transmet de génération en génération à travers les comptines, les chants populaires, ainsi qu’un vaste répertoire de proverbes et dictons reflétant leur sagesse et leur vision du monde.

Jeux et loisirs

Les Thổ pratiquent de nombreux jeux traditionnels lors des fêtes communautaires :

le tir à la corde,
la danse du lion,
le jeu d’échecs chinois (cờ tướng).

Les enfants, quant à eux, affectionnent des jeux simples et dynamiques tels que le đá cầu (jonglage avec un volant en plumes, proche du badminton traditionnel) ou le đánh cù (jeu de toupie).

Conclusion

Peuple discret mais profondément enraciné dans les montagnes du Nghệ An, les Thổ illustrent la richesse et la diversité culturelle du Nord Vietnam. À travers leurs coutumes, leurs croyances et leur patrimoine oral, ils perpétuent un mode de vie où la communauté, la nature et la spiritualité demeurent indissociables. Dans un pays en pleine modernisation, la culture Thổ conserve toute sa valeur : celle d’un héritage vivant, témoin précieux de l’histoire et de l’identité plurielle du Vietnam.