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Les La Hu : un peuple méconnu des montagnes du NordOuest vietnamien

Parmi les nombreuses ethnies minoritaires qui composent le riche tissu culturel du Vietnam, les La Hủ occupent une place discrète mais singulière. Installés principalement dans la province montagneuse de Lai Châu, au cœur du Nord-Ouest vietnamien, ils sont considérés comme les descendants d’anciens groupes Di – Qiang mentionnés dans les chroniques chinoises. Leur histoire, marquée par les migrations et un mode de vie étroitement lié à la nature, se reflète dans leurs traditions agricoles, leur artisanat, leurs croyances et leurs fêtes.

Étudier la culture La Hủ, c’est découvrir un univers où chaque aspect de la vie – de la nourriture aux costumes, de l’habitat aux rituels – exprime un équilibre profond entre l’homme, la communauté et la forêt environnante.

Les La Hủ sont considérés comme une branche du grand groupe Di – Qiang, mentionné dans les chroniques chinoises sous le nom de Xī Róng (ou « Barbares de l’Ouest »). Ils se subdivisent en trois groupes principaux : les La Hủ Noirs, les La Hủ Jaunes et les La Hủ Blancs.

Ethnie minoritaire La Hu aux montagnes du nord du Vietnam

Nom autonyme : La Hủ

Autres appellations : Xá lá vàng, Cò Xung, Khù Sung, Kha Quy, Cọ Sọ, Nê Thú

Groupes locaux : La Hủ na (Noirs), La Hủ sư (Jaunes), La Hủ phung (Blancs)

Démographie : Selon le recensement des 53 ethnies minoritaires du Vietnam du 1er avril 2019, les La Hủ comptaient 12 113 personnes.

Langue : Leur langue appartient au groupe tibéto-birman (famille sino-tibétaine), et se rapproche davantage du birman que des autres langues de la région. 

Origines historiques des La Hủ

Les La Hủ sont issus d’une branche du grand groupe Di – Qiang, que les chroniques chinoises désignaient sous le nom de Xī Róng (« Barbares de l’Ouest »). Leur berceau historique se situait dans une région correspondant aujourd’hui aux provinces de Qinghai, Gansu et Sichuan (Chine).
Selon le portail d’information de la province de Lai Châu (Vietnam), les premiers La Hủ ne se seraient installés dans cette zone qu’il y a environ dix générations.

Le nom La Hủ serait apparu à l’époque de la dynastie Qing. En 1979, le Catalogue officiel des composantes ethniques du Vietnam a fixé l’appellation officielle de ce peuple sous le terme La Hủ.

Activités de production des La Hủ

Les La Hủ pratiquent traditionnellement une agriculture sur brûlis, caractérisée par un rythme de rotation élevé. Cependant, ces dernières décennies, ils se sont progressivement orientés vers la culture du riz en terrasses, adaptée au relief montagneux.

Le peuple La Hủ est également reconnu pour son artisanat, notamment dans la vannerie (paniers, plateaux à repas, sièges en rotin) et la métallurgie artisanale (forge).

La chasse, la pêche et la cueillette occupent une place essentielle dans leur économie domestique, constituant une ressource alimentaire et matérielle indispensable à leur quotidien.

Alimentation

L’alimentation des La Hủ a évolué au fil du temps : autrefois centrée sur le maïs et le riz gluant, elle repose aujourd’hui principalement sur le riz ordinaire. Leur régime s’enrichit de viandes de gibier et d’oiseaux chassés, de poissons de ruisseaux, ainsi que de produits végétaux comme le bambou fermenté (măng chua), les soupes de soja ou encore les courges et cucurbitacées.

Habillement

Les La Hủ n’ayant pas de tradition de culture du coton, les femmes échangeaient autrefois du gibier, des champignons parfumés, de l’opium ou d’autres produits forestiers précieux contre du tissu ou du coton auprès des ethnies voisines, afin de tisser leurs propres étoffes.

Le costume féminin est constitué de vêtements longs portés en deux couches : une veste intérieure à manches longues, boutonnée sur le côté droit,
et une veste extérieure à manches courtes, fermée au centre de la poitrine. Au quotidien, les femmes ne portent généralement que la veste longue, tandis que lors des fêtes et célébrations, elles ajoutent la veste courte en signe de distinction.

Habitat

Autrefois, les La Hủ construisaient leurs maisons et abris directement sur leurs champs cultivés, souvent situés en altitude, dans les zones montagneuses des communes de Pa Ủ et Pa Vệ Sủ, district de Mường Tè (province de Lai Châu). Ces habitations, couvertes de feuilles jaunes séchées, étaient abandonnées dès que la communauté se déplaçait vers un nouveau site. C’est de cette pratique que provient l’appellation « Xá lá vàng » (les « Xá aux feuilles jaunes »).

Aujourd’hui, leurs habitations sont généralement des maisons basses ou des maisons en pisé (terre battue) ou encore construites en planches. L’espace domestique est partagé : le foyer, l’autel familial et les couchages se trouvent dans une seule et même pièce.

Moyens de transport

Dans un environnement marqué par de fortes pentes, les La Hủ utilisent traditionnellement des paniers à dos tressés en rotin ou en bambou, équipés de bretelles pour faciliter le portage. Ces paniers servent au transport des denrées, mais aussi parfois des enfants, que les femmes portent ainsi lorsqu’elles se déplacent ou travaillent aux champs.

Relations sociales des La Hủ

Les La Hủ vivent de manière dispersée, regroupés en de petits hameaux dont la composition change fréquemment en raison de leur mode de vie basé sur la culture itinérante. La société ne connaît pas de différenciation marquée entre riches et pauvres.

Au sein de la famille, la femme occupe une place respectée, bien qu’elle exerce peu d’influence dans la sphère sociale plus large.
Les liens de parenté restent relativement lâches : il n’existe ni chef de lignée, ni rituels collectifs dédiés à l’ensemble du clan. Certaines lignées portent encore des noms inspirés d’oiseaux ou d’animaux, mais pour beaucoup d’autres, la signification originelle s’est perdue au fil du temps.

Mariage

Chez les La Hủ, les jeunes hommes et femmes jouissent d’une certaine liberté amoureuse dès qu’ils atteignent l’âge de se marier. Le mariage est un processus codifié, comportant plusieurs étapes. Parmi les offrandes obligatoires que la famille du marié doit apporter à la famille de la mariée figure inévitablement de la viande d’écureuil.

Après la cérémonie, la jeune épouse s’installe dans la maison du mari. Toutefois, la coutume du mariage en résidence matrilocale subsiste : les jeunes hommes qui ne peuvent pas réunir la dot complète – notamment l’argent en argent blanc – doivent résider chez la famille de leur épouse pendant un certain temps.

Naissance

Les femmes La Hủ accouchent généralement dans leur propre chambre, avec l’aide de leur belle-mère ou de leurs sœurs. Trois jours après la naissance, on procède à la cérémonie de nomination de l’enfant. Le prénom est souvent choisi en fonction du jour de naissance, ce qui entraîne une forte récurrence de prénoms au sein de la communauté.

Si l’enfant tarde à se développer ou tombe fréquemment malade, on peut organiser une cérémonie de changement de nom, dans l’espoir de lui apporter santé et prospérité.

Funérailles

Lorsqu’une personne décède, les La Hủ tirent des coups de feu pour chasser les esprits et avertir les proches ainsi que le voisinage. Le cercueil est généralement confectionné à partir d’un tronc d’arbre fendu en deux et creusé dans ses deux moitiés. Le choix du jour et de l’heure de l’enterrement est déterminé avec soin.

Les La Hủ n’ont pas de cimetière fixe. La période de deuil des enfants envers leurs parents dure trois ans, mais elle ne s’accompagne d’aucun signe distinctif sur les vêtements ou la coiffure.

Croyances des La Hủ

Les La Hủ pratiquent le culte des ancêtres, en rendant hommage aux parents et aux grands-parents défunts à l’occasion des fêtes et cérémonies traditionnelles. Selon leur conception, les ancêtres se limitent à la génération immédiatement précédente – c’est-à-dire les parents du chef de famille –, considérés comme les esprits protecteurs de la maison (ma nhà).

Culte des ancêtres

Les offrandes aux ancêtres, aux parents et aux proches disparus sont effectuées seulement à certaines occasions :

la fête du riz nouveau,
le Tết du 7e mois lunaire,

après les semailles sur les champs de montagne, lors des mariages ou des funérailles. Les La Hủ ne pratiquent pas la commémoration annuelle à date fixe (jour d’anniversaire de la mort). L’unique offrande destinée aux ancêtres est du riz gluant enveloppé dans des feuilles sauvages.

En tant que peuple lié à la forêt, ils observent lors de la fête du riz nouveau (octobre ou novembre) une période de trois jours de tabous : interdiction de cueillir des légumes, de ramasser du bois, d’abattre des arbres ou de couper l’herbe, dans l’espoir que la végétation reste prospère toute l’année.

Conceptions de la vie et de la mort

Selon les croyances, la vie et la mort sont prédestinées par le ciel. Dans l’au-delà, il existerait deux maisons :

la nà đề (« maison de la maladie »),
et la xơ đề (« maison de la mort »).

Si l’âme d’une personne atteint la « maison de la mort », elle est condamnée à disparaître. En revanche, si elle n’arrive qu’à la « maison de la maladie », des rites spécifiques peuvent être accomplis pour rappeler l’âme et prolonger la vie.

Les La Hủ croient que chacun possède une espérance de vie fixée dès la naissance, mais qu’il est possible de la dépasser en réalisant des cérémonies spéciales appelées cúng di chá, après avoir consulté un devin pour identifier la cause des malheurs et trouver le rituel approprié.

Les fêtes traditionnelles des La Hủ

Le Tết traditionnel des La Hủ, appelé Nhi chê chê, se déroule du 1er au 5 du 11e mois lunaire. Treize jours plus tard, le jour de Nhi chê khó (pleine lune), considéré comme la fête des garçons, les familles préparent des bánh chưng (gâteaux carrés de riz gluant) et des bánh giầy (galettes de riz gluant pilé). Selon les croyances, il est interdit de piler le riz pour faire des bánh giầy après le jour de Nhi chê khó.

Dans certaines localités, les La Hủ célèbrent le Tết à une date jugée faste du 12e mois lunaire, ou bien le dernier jour du mois de décembre lunaire. Ils organisent aussi d’autres fêtes au cours de l’année, notamment au 3e mois, au 6e mois, ainsi que des fêtes spécifiques à leur groupe ethnique.

Enfin, la fête du riz nouveau (Tết cơm mới) a lieu entre septembre et octobre, une fois les récoltes terminées, afin de rendre grâce pour les fruits de la terre et d’invoquer la prospérité pour l’année à venir.

Éducation et savoirs

Autrefois, les La Hủ ne disposaient pas de système d’écriture propre. Aujourd’hui, les enfants sont scolarisés et apprennent l’alphabet vietnamien (quốc ngữ).

Les La Hủ possèdent également un calendrier oral traditionnel, divisant l’année en 12 mois, chacun associé à un animal. Ils détiennent une connaissance approfondie des plantes médicinales de la forêt. Pour préserver le secret et renforcer l’efficacité supposée de ces remèdes, leur cueillette est entourée de pratiques rituelles : avant de partir, le guérisseur reste silencieux, s’éclipse discrètement dans la forêt et ne révèle à personne ses intentions.

Vie artistique et musicale

Les La Hủ sont passionnés de musique et maîtrisent particulièrement bien l’art du khèn (instrument à anche libre, proche de l’orgue à bouche), qui accompagne fêtes et cérémonies.

Jeux et divertissements

En fin d’après-midi, les enfants La Hủ se rassemblent autour du feu devant les maisons ou au bord des ruisseaux. Ils jouent, chantent et frappent des morceaux de bois pour marquer le rythme, perpétuant ainsi une tradition de convivialité et de transmission orale.

Conclusion

Les La Hủ représentent l’un des visages authentiques de la diversité culturelle vietnamienne. Leur mode de vie simple, leur rapport intime à la nature, ainsi que leurs croyances et coutumes transmises de génération en génération offrent un témoignage précieux d’un patrimoine encore préservé.
À travers leurs fêtes, leurs chants, leur artisanat et leur vision du monde, les La Hủ rappellent la richesse et la pluralité du Vietnam d’aujourd’hui. Préserver et valoriser cette identité, c’est non seulement rendre hommage à un peuple courageux et résilient, mais aussi contribuer à la sauvegarde d’une mémoire vivante qui fait la force et la beauté des Hautes Terres du Nord-Ouest.